Parr & Tarantino, regard croisé sur 2 obsedés visuels
« Créer n’est rien autre qu’ordonner un chaos », Guillaume Apollinaire
Petite mise en perspective de 2 maniaques boulimiques de l’image et du film, avec 2 univers spécifiques mais 1 seule monomanie.
Une iconophagie qui nourrit leur univers artistique et stimule leur innovation, en clair une gloutonnerie visuelle compulsive qui les poursuit depuis leur adolescence de nerd.
Martin Parr | Quentin Tarantino | |
Physique | ||
« menton volontaire, signe de caractère » ou « menton prognate, comme chez les primates »? (le débat psychomorphologique est lancé) | ||
Formation | Fils de fans d’ornithologie & fan de trainspotting (i.e. activité qui consiste à suivre le passage des trains) | Ex-employé de vidéo-club |
Reconnaissance internationale controversée | Entrée à l’agence Magnum en 1994 acquise à une voix seulement après moult discussions | Reservoir’s Dogs à Cannes en 1992 & une Palme d’Or 1994 sifflée pour Pulp Fiction |
Approche | “my whole thing is to photograph consumerism using the language of commercial photograpy” | Un cinéma référentiel et ludique fait de films-hommage (à la blackploitation, au cinéma asiatique…) qui recyclent ou réinventent les genres en les passant à sa moulinette perso |
Style & esthétique | Vision au microscope d’un entomologiste qui dissèque ses sujets et épingle les travers de ses contemporains | Construction scénaristique éclatée avec chronologie chamboulée, déconstruction du récit, flash-backs, chapitrage, recherche du spectacle |
Références et influences | Culture photographique construite autour de Robert Frank, Cartier-Bresson, Winogrand, Eggleston, Friedlander, la street photography en général | Culture cinématographique faite de films de Hong Kong, séries B et Z, Nouvelle Vague française… Tout y passe |
Regard d’historien érudit, d’encyclopédiste amoureux de talents méconnus | Acheteur de la photo documentaire anglaise (Tony Ray-Jones, Chris Killip, Graham Smith, Mark Neville) et amateur des photos publicitaires de John Hinde | Encenseur du Chungking Express de Wong Kar-wai, de Melville, de John Woo, du Battle Royal de Fukasaku, le cinéma référentiel de Tarantino est un hommage permanent aux films qu’il a aimé |
L’anecdote comme procédé narratif | Sélection de détails (gros plans), série de mêmes spécimens (les touristes, les places de parking, les fleurs…) | Dialogues sur le « Big Mac », « Like a virgin » et autres petites histoires dans l’histoire (la blague des chiottes, la montre de Butch, la jeunesse d’O-Ren Ishii) |
Sujets de prédilection | La pop-culture et la middle-class, le consumérisme, le tourisme, l’Angleterre et les Anglais | Même si ses films appartiennent à des genres différents, les accès de violence et les armes y sont des thèmes récurrents |
Type d’humour noir | Excentricité et ironie acide, un peu entre rire et larme. Une satire du banal et du contemporain | Trash truculent, gore grinçant. D’Une nuit en enfer à Boulevard de la mort en passant par l’oreille coupée de Reservoir Dogs, l’excès d'hémoglobine apparaît toujours jouissif |
Figures imposées | Macro et close shots, les head shots, la junk food, la chair qui dépasse, les couleurs vives, saturées au flash, le détail kitsch… | Acteurs récurrents (Samuel L. Jackson, Uma Thurman), casting et musique de choix, dialogues bavards mais ciselés, citations et références … |
Succès public et entertainment | Selon lui, la photo est un art exploitative par essence qui tire profit de l’image de ses sujets. En conséquence, il assume photo de mode et commandes. Prolifique en termes de publications, c’est le vendeur n°1 de Magnum. | Il réalise l’épisode 25 de Urgences (Saison 1) « Maternité » et le double épisode final de la saison 5 de la série « Les experts CSI ». Comme quoi, il sait aussi donner dans le mainstream, pas que dans la référence au film underground. |
Un style qui ne plait pas à tout le monde | Accusé d’ironie cruelle, méprisante, hautaine et de ne proposer qu’une vision caricaturale d’un monde laid | Accusé d’esthétiser la violence et de ne proposer qu’un recyclage artificiel et futile de films |
Disciples / copycats | Flickr Parr group | Eli Roth, Robert Rodriguez |
Autres / miscellaneous | Collectionneur pathologique (montres de Saddam Hussein, cartes postales, livres de photos…) | Fétichiste des pieds féminins |
Pour voyager dans leur tête | Exposition Planète Parr jusqu’au 27 septembre 2009 au Jeu de Paume à Paris | Inglorious Basterds sur les écrans depuis le 19/08/09 |
Conclusion | Photographe du réel qui témoigne de notre monde contemporain sans trucage (« je ne fais jamais de mise en scène ») | Cinéaste du fantasme qui témoigne de sa cinéphilie sans frontières |
Bref, si vos enfants ressemblent à des nerds ou collectionnent des trucs un peu weird, n’ayez pas peur, ce sont peut-être de futurs génies…